LE MONDE - 2008

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La bonne « Etoile » de Nasser Djemaï

L’auteur-comédien propose au Lucernaire une fable ironique 

Martine Silber | Le Monde | Jeudi 10 janvier 2008

Troisième enfant d’une famille d’immigrés algériens, le petit Nabil est considéré par son père comme « spécial ». Tellement spécial qu’il ne devra en aucun cas ressembler à son papa, ouvrier mineur analphabète. Alors, c’est dit, Nabil, il fera premier ministre.
Pris en mains par un professeur débordé puis par la grand-mère de son meilleur ami, Jean-Luc, qui s’est prise d’affection pour lui, Nabil grandit en fils de bonne famille, négligeant ses vieux copains, fuyant ses origines. Rebaptisé Noël, il sera la première victime de « l’ignominie de la bonté » comme l’annonce le sous-titre d’Une étoile pour Noël, de et avec Nasser Djemaï, mis en scène par Natacha Dit, au Théâtre du Lucernaire à Paris.

Le piège de l’assimilation
Nasser Djemaï y joue tous les rôles, avec pour accessoires un chariot, une caissette en bois, une petite poubelle en plastique gris ciment et une peau de chèvre. S’il semble plus à l’aise dans certains personnages que dans d’autres, son dynamisme compense quelques flottements : il virevolte, court, se démène, change de voix, de registre, d’attitude, à un rythme qui ne dément pas.
Chaque personnage, pour caricatural qu’il soit, garde toujours un brin d’humanité, une véracité balayée d’humour et de tendresse. Bien sûr, tous cannibalisent les autres par leur souci de bien faire, bien sûr, Nabil n’est pas seulement leur victime innocente mais un manipulateur astucieux, bien sûr l’assimilation est un piège qui se referme sur ceux qui l’emploient.
Pour en sortir, il faudra en payer le prix. Mais le tout est plaisant, gai, ironique et le message nostalgique ne fait que transparaitre, sans lourdeur, porté par un comédien éminemment sympathique et doué.